"Surtout, soyez toujours capables de ressentir au plus profond de votre coeur n'importe quelle injustice commise contre n'importe qui, où que ce soit dans le monde. "

Ernesto Che Guevara - 1928-1967




jeudi 8 avril 2010

Des souvenirs...

En guise de "remise en forme", je vous représente un texte publié chez-moi le 10 mai 2006. À l'époque, ça faisait un an que je tenais un blogue, aventure qui avait alors duré 5 ans. Le plus désolant, à la relecture de ce billet, c'est que RIEN N'A CHANGÉ. Nous sommes en 2010, le même agriculteur prépare ses épandeuses qui serviront au lisier puis, plus tard, aux herbicides. Il n'y a pratiquement plus d'abeilles et on doit en "importer"... Avouons que ça fait tout de même chier d'avoir la certitude de prêcher dans le désert... Bonne lecture!
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POLLUTION AGRICOLE CONTRÔLÉE, MAIS POLLUTION AGRICOLE PAREIL!


Récemment, j’entendais, lors d’une rencontre à laquelle je participais, que dans la région Lanaudière, plus de 95% des fosses à lisiers étaient maintenant scellées donc, non polluantes pour la nappe phréatique. En soi, si on ne pousse pas la réflexion (ou l’observation) plus loin, ça peut sembler être une bonne nouvelle.

Mais, une fois ces lisiers entreposés de façon sûre, qu’en fait-on?

Demeurant personnellement en bordure de rivière, dans une zone 100% agricole, je suis en mesure d’affirmer que l’installation (à grands frais) de fosses scellées pour les lisiers n’est qu’un prétexte à la bonne conscience. Depuis, quelques semaines, les agriculteurs sont en pleine période d’épandage de ces lisiers dans les champs.

Juste derrière chez-moi, de l’autre côté de la rivière, il y a des champs de maïs. Naturellement, comme tout bord de rivière, le terrain est en pente (environ 20 degrés). Les zones de terrain cultivées s’approchent à environ 50 pieds linéaires de la rive. La semaine dernière, l’épandeur crachait le lisier avec une forte pression qui projetait le liquide odorant à une vingtaine de pieds derrière.

S’approchant de la fin de la zone cultivée, en bordure de rivière, l’épandeur tourne, ne ralentissant nullement, et voilà qu’il projette une partie de son contenu directement dans l’eau. Ceci étant, même si l’opérateur avait entièrement arrêté l’épandage en se retournant, n’oublions tout de même pas que la zone cultivée est en pente, ce qui fait que l’écoulement de surface se fait inévitablement dans la rivière…

Pourquoi donc investir des milliers de dollars dans la construction de fosses scellées si ce n’est que pour en prélever le contenu et l’épandre en bordure de cours d’eau? La seule réponse que j’ai à cette question c’est : pour se donner bonne conscience!

Les règles environnementale en vigueur ne sont d’aucune utilité telles qu’elles sont actuellement.

De plus, le maïs étant une plante particulièrement intolérante à la compétition lors de sa période de germination et d’implantation, on épand aussi de l’Atrazine dans les champs avant les semailles. Ce puissant herbicide reste présent dans le sol pendant 3 à 6 mois mais ne se dégrade complètement qu’en 2 à 5 ans. Aussi, le processus de dégradation de cette molécule est ralenti par son contact avec l’eau. Ainsi, les portions d’Atrazine qui se retrouvent dans la rivière (ou dans tout cours d’eau) ne se dégrade que très lentement.

L’Atrazine serait responsable, entre autres, de disparition de colonies d’abeilles qui butinent des efflorescences portant des traces d’Atrazine. Pour ce qui est de la présence d’Atrazine dans l’eau, elle serait responsable de la chute des populations de poissons d’eau douce et sa présence dans les puits environnant les zones agricoles serait responsable du cancer des ovaires, de la prostate et de certains autres cancers.

Que peut-on y faire?

L’an dernier, lors de la campagne électorale municipale, l’équipe du maire en place et ses candidats conseillers faisaient du porte à porte dans mon secteur. Or, un de ces candidat est le fils de l’agriculteur qui possède les champs dont je parlais plus avant. Lors de cette visite, un de mes voisins a parlé de cette situation intolérable au candidat en question. Il s’est fait répondre : « Premièrement, c’est la terre de mon père et ça ne te regarde pas. Deuxièmement, si t’es pas content, t’as juste à déménager! ». Beau discours pour un candidat au conseil municipal! Et… Il a été élu! BRAVO!

Maintenant, il ne reste plus grand chose à faire avec notre conseil municipal. Aussi, dans un petit village de 1600 personnes, une plainte logée au Ministère de l’environnement (advenant bien sûr qu’elle soit traitée, ce qui est plus qu’improbable) mènerait inévitablement à une gué-guerre sans merci entre les agriculteurs fortement majoritaires et « les autres ».

Étant « des autres », je me demande bien quoi faire… Je suis entouré de tas de fumier, de champs en monoculture et de fermes. Mon puit est contaminé par les polluants agricoles et je dois toujours faire bouillir mon eau. En ce moment, dû aux infiltrations et au ruissellement, l’eau du puit est d’un vert bizarre. Mais, ce puit m’appartient et est donc sous MA responsabilité. Les pollueurs ne sont pas responsables de mon puit. C’est ainsi que l’environnement est géré au Québec. Alors je me dis : « Si t’es pas content, t’as juste à déménager! ».

C’est ça le pays qu’on est en train de bâtir!

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Note en date d'aujourd'hui:

Le candidat aux élections d'alors n'a survécu qu'un seul mandat. En novembre 2009, il s'est présenté à la mairie mais a été défait. Ça ne l'empêche pas de faire de l'obstruction à tous projets de développement intégré ou durable. C'est ainsi. J'appelle ça du bashing durable.

1 commentaire:

Zoreilles a dit…

Ce que tu racontes là est terriblement choquant. Sous la bonne conscience des supposés responsables politiques et des citoyens qui ne suivent pas vraiment ce qui se passe, il y a des drames environnementaux et sociaux qui se jouent, avec la complicité silencieuse de toute la population qui s'en fiche ou s'en désintéresse, ce qui n'est pas mieux.

Finalement, les agriculteurs de chez vous ne sont pas mieux que nos minières et nos forestières...

La petite politicaillerie que tu as si bien illustrée dans ton billet, c'est universel, et ça m'écoeure.